Les valises radio anglaises de la résistance de John Brown

Les matériels de la seconde guerre mondiale
John Brown et les radios du SOE

En hommage à un homme dont le travail. pendant la guerre. a sauvé de nombreuses vies humaines. mais a été peu diffusé pour des raisons de discrétion. .

La disparition récente. à l’age de soixante-quinze ans. de JOHN BROWN. un écossais ayant longtemps résidé en Angleterre, nous a enlevé un homme qui a joué. avec beaucoup de modestie‘ un rôle très important dans le développement des émetteurs-récepteurs « valises » utilises pendant la guerre pour assurer les liaisons radio paramilitaires et clandestines. Aujourd’hui, ses postes radios cinquantenaires sont avidement‘ recherchés par les musées privés et publics, et on peut encore les entendre de temps à autre sur les ondes dans les bandes amateurs.
On l’appelait parfois « Mister b-2 » en souvenir de sa valise radio la plus réussie. –le type 3 Mk II qui apparut en 1943 et dont sept mille exemplaires furent produits dans un atelier du S O E (Special Operations Executivel à Stonebridge Park au nord-ouest de Londres‘ Ces appareils de type 3 avaient été conçus pour des liaisons à des distances supérieures à neuf cents kilomètres- lls étaient communément appelés modèles « B » pour les distinguer des appareils de puissance moindre de type 21 (la série des modèles « A »l que l’on utilisait pour des liaisons inférieures à neuf cents kilomètres.

De 1940 à I946, JOHN BROWN se révéla être « the right man in the right place » : un ingénieur radio professionnel à la Station IX du S O E (située à The Frythe. Welwyn. près de Londres)’
dont l‘une des appellations de couverture était le Bureau des Recherches inter services (ISRB). Si,parmi de nombreux réseaux, le S 0 E se révéla être un Service particulièrement efficace. cela est dû en grande partie a l’action de JOHN BROWN.
En effet. maintenir des liaisons radio avec le Royaume-Uni. l’Afrique du Nord et, plus tard l’ltalie libérée. depuis les territoires occupés par les forces allemandes requérait une organisation complexe et représentait un travail très dangereux pour les agents secrets opérant en territoire ennemi. Les premiers temps furent difficiles et conflictuels car les services des transmissions radio se trouvaient au cœur des difficultés surgies entre le S O E. et les services secrets britanniques (Ml-6/SIS) d’une part. et le service de renseignement et de sabotage (B C R A) du Général De GAULLE d’autre part.

Très jeune encore‘ JOHN BROWN était passsionné par la radio et‘ dans les années 30. il étudiait au Polytechnicum de Regent Street. Jeune homme, il travailla chez Premier Radio qui vendait des composants, des kits pour ondes courtes et qui en l939 mit sur le marché le récepteur de trafic à onze lampes (montage 5-v-5). vendu à un prix abordable (8 livres 8 shillings) couvrant de l2 à 2000 mètres en cinq bandes. rivalisant ainsi avecle « Sky Buddy » de chez Hallicrafters.
Appelé dans le Service Royal des Transmissions après avoir été volontaire pour la R A F. il a été versé dans le monde de la radio secrète peu de temps après la création du S 0 E dont la destinée Churchilienne était « D’embraser Europe ».

Depuis sa formation en Juillet I940 A la suite de la défaite en France, le S O E était,et restera jusqu’à sa dissolution en I946-. en profonde rivalité avec les services secrets (SIS/MI-6)qui étaient de création beaucoup plus ancienne.

En 1938. diagnostiquant que la guerre avec L’ Allemagne nazie approchait. le Spécial Intelligence Service _avait créé non seulement une Section Radio (Section VIII) dirigée par Sir R.GAMBLER-PARRY (Eton), ancien Directeur Commercial de PHILCO G.B. puis des Public Relations de la B-B.C., mais aussi une nouvelle Section D. dirigée par le major L. GRAND. section qui était chargée des opérations militaires clandestines y compris le sabotage. A l‘ouverture des hostilités. la Section D devint immédiatement opérationnelle dans les Balkans. envisageant
même on plan (avorté) pour bloquer le Danube afin de couper l’approvisionnement en pétrole roumain des armées d’Hitler.

La Section D et les avant-postes du S I S utilisaient la Section VIII pour leurs communications radio. Le quartier Général de temps de guerre dela Section Vlll était situé A Whaddon hall prés de Bletchley. Ses responsabilités inclurent rapidement le trafic radio diplomatique du Ministère des Affaires Étrangères, l’installation d‘émetteurs pour les communications secrètes, la mise en place d’un nouveau système HF pour diffuser les décryptages dc la machine ULTRA (issus principalement de l’interception des messages ENIGMA). et plus tard. l’essentiel du Service de sécurité Radio. L’invasion de la Norvège, du Danemark, de la Belgique, de la Hollande et de la France par les nazis au printemps l940 mit la Section Vlll en présence d‘un autre défi : rétablir les liaisons radio avec ceux qui pouvaient fournir des renseignements. aider les militaires évadés et les civils à rejoindre le Royaume-Uni. Cette activitê était placée sous la responsabilité de la Section l (lS-9 qui fut connue sous le sigle Ml-9après la guerre). En dépit des dangers inhérents à la radio. cette Section l devint une composante vitale des activités de renseignement et d’évasion ainsi que de l’organisation de la Résistance.

Avec la perte inattendue de la Section D et l’émergence d’une organisation dont le contrôle lui échappait. le Ml-ó ne tarda pas à exiger que toutes les liaisons radio avec le continent lui soient
confiées sauf en ce qui concernait les Polonais et les Tchèques qui conduisaient eux-mêmes leurs opérations radio. Une station spéciale d’entraînement et d’opérations fut créée à Grendon Ünderwood pour les futurs agents des SIS/S O E/B C R A etc… formés par la Section Vlll en vue de l’utilisation de l’équipement pratiquement « fait à la main » à Whaddon. équipement dont la demande dépassa rapidement l’offre.

Le matériel utilisé à Grendon comprenait les émetteurs Mark IlI fabriqués à Whaddon. équipés de 6v6 807. C’était un émetteur relativement lourd qui n’avait pas été conçu pour le parachutage et n’était pas facilement portable. Complété par un récepteur à trois lampes(détectrice à réaction. montage l-v-l ) c’était l’une des premières « valises » introduites clandestinement dans la zone libre en France via le Portugal et l’Espagne. Un des premiers émetteurs-récepteurs. plus léger mais peu sophistiqué fut le compact Mark Vll. avec une 6V6 pilotée par quartz comme oscillatrice de puissance, fournissant environ Cinq watts‘ à l’antenne entre 3 et 8 Mhz. jumelé avec un récepteur (montage O-v-2) équipé de deux 6SK7. Cet ensemble fut d’abord présenté dans un coffret en bois puis, plus tard. dans un coffret métallique sous la dénomination de Mark VII/B. Ce modèle fut dénommé le Paraset et il a été très largement utilisé jusqu’à la libération de la France en 1944.

La station de Grendon Llnderwood. avec ses ferments de rivalités entre le personnel et les élèves. dont beaucoup étaient politiquement opposés bien qu’ils fussent originaires du même pays avec ses équipements en nombre limité de radios
relativement peu élaborées. faisait un peu pagaille.Aussi. le S 0 E chercha bientôt à divorcer d‘avec la section VIII

Évidemment. les premiers agents du S O E et du B C R A arrivés en France se rendirent compte qu’il était difficile et dangereux d’établir des liaisons radio sûres avec le Royaume-Uni. De plus en plus. le S O E chercha [comme le B C R A qui,lui y échoua i] prendre le contrôle de ses propres
liaisons et, en I941, il commença à développer ses propres équipements radio à The Frythe où JOHN BROWN faisait des‘ évaluations critiques du matériel fabriqué à Whaddon. Il étudia et testa aussi les équipements polonais. conçus par TADEUSZ HEFFMAN dans les ateliers Polonais à Stanmore. qu‘il admirait beaucoup et dont il s’inspira. reconnaissant que c’étaient les meilleures radios clandestines que l’on pouvait se procurer.
.
Ce n’est qu’en Juillet l942 que le S O E fut officiellement autorisé à monter sa propre Administration des Transmissions: à fabriquer et utiliser son propre matériel. à entrainer ses propre opérateurs et être responsable de ses propres codes.
Mais depuis pas mal de temps,l’Établissement de The Frythe avait activement
anticipé cette-décision. Le capitaine BERT LANE ,y avait conçu le 35 Mhz S-phone qui fut teste la première fois par le lieutenant C. BOVILL des le
6 Octobre l94l.

A Fautomne HML JOHN BROWN avait conçu sa première radio valise : le type 3 Mark I (B l)prévu pour des liaisons à des distances supérieures à neuf cents kilomètres. Le récepteur était un superhétérodyne reflex quatre lampes. sept étages (ECH 35_EF 39-EBC 33-EF 39) essentiellement adapté pour la réception du Morse. Il couvrait de 3.8 à 15.8 MHz avec une fréquence intermédiaire de 470 kHz et l’amplificatrice MF (EF 39) était utilisée également comme amplificatrice BF.
L’émetteur. avec une tension plaque de 400 volts,fournissait une puissance de sortie de 12-18 watts à partir d‘une seule 6L6-G montée en tritet, pilotée
par quartz. le montage tritet permettant l’utilisation d’harmoniques. JOHN m‘a confié qu’il avait apporté sa‘ « contribution spéciale » à l’émetteur RUNT 60 publié dans‘ le Q S T de Septembre l939_ en y disposant un circuit pi accordé surl’anode permettant l’adaptation de l’émetteur à une grande variété d’antennes simples. Le modèle B-l était fabrique’ par les Ets MARCONI. d’abord
à Writtle puis à Hackbridge et un grand nombre de ces appareils fut envoyé en Russie pour l’équipement des partisans

Le Service radio du S O E possédait un talent que l‘on ne trouvait pas toujours dans les services de renseignements du camp adverse : l’intelligence d’écouter soigneusement ce que ses agents « sur le tas » lui disaient. C’est ainsi que l’un des premiers agents radio à succès (GEORGES BEGUE alias GEORGES NOBLE) fut nommé officier transmissions à la Section F. Puis. le l0 Mai l94l,le capitaine PIERRE JULITTE. un ingénieur radio français fut envoyé de LONDRES par le B C R A de De GAULLE pour mener une enquête sur les graves problèmes posés par les premières liaisons radio.

Le capitaine JULITTE rentra à LONDRES en Mars l942 avec REMY (un éminent agent du B C R A dont le vrai nom était GILBERT RENAULT-ROULIER qui avait constitué le réseau « Confrérie Notre-Dame » en région parisienne et établi des liaisons radio efficaces avec la station de contrôle du M 1-6 (opérations Colombine et Harlequin) avec des opérateurs radio français recrutés sur place.

Le capitaine JULITTE considérait que le Whaddon Mark lll était inadapté en zone occupée parce qu‘il était trop volumineux. trop puissant.
parce qu’il consommait trop sur le réseau de distribution électrique et provoquait de bruyants « clics » dans les récepteurs radios du voisinage. Le
manipulateur Morse. affirmait-il. était mécaniquement bruyant et la lampe pilote trop brillante. Il estimait que le Paraset était meilleur, mais trop
volumineux (sic) pour être utilisé dans Paris. Bien que suffisamment puissant pour pouvoir communiquer avec Londres depuis n’importe quel point de France. à preuve qu’il a été utilisé régulièrement à Marseille. ll considérait comme plus satisfaisant d’utiliser des récepteurs commerciaux toutes ondes avec des adaptateurs spéciaux. Tel qu »un générateur de battements pour l’écoute du Morse en ondes entretenues.
A son retour. le capitaine JULITE prépara un rapport critiquant sévèrement de nombreux aspects des liaisons radio du S 0 E / B C R A contrôlées par la Section Vlll, tant en ce qui concernait les pratiques opérationnelles que l’équipement. Au sujet des conditions de travail en zone occupée, il écrivait : « Dans certains emplacements. si un appareil nécessitant plus d’énergie que le Paraset est utilisé sur le réseau électrique, les ampoules d’éclairage du même circuit ont tendance à clignoter au rythme du manipulateur….’des ampèremètres sont soigneusement surveillés
(par l’ennemi) pour localiser toute augmentation de la consommation de courant. A Paris. en particulier, l’organisation de détection allemande est très élaborée et très complète. Si un nouvel appel apparaît dans l‘air, « ils » en font un relèvement en moins de trente minutes. [l y _a vingt-quatre stations de détection locale autour de Paris. où des appareillages et des véhicules sont tenus en alerte pour intervention immédiate. il est pratiquement impossible d‘ utiliser un émetteur à Paris sans être détecté. Même en zone libre, les personnes qui transportent des valises ou des paquets sont susceptibles d »être fouillées. suspectées de marché noir. il est dangereux de transporter une valise Mark lll et il faut faire très attention si l‘on alimente l’émetteur sur le reseau
« un petit adaptateur équipé d‘une 6V6 pilotée par quartz que l’on branche et enlève après
usage ». [l rapportait que des équipements ont été fabriqués en France. qui ressemblaient à des récepteurs ordinaires. mais que l’on transformait facilement en émetteurs. Des adaptateurs
(Lincoln) et des émetteurs camouflés dans des récepteurs de radiodiffusion furent bientôt disponibles à la Section Vlll et de tels récepteurs
« Capables d’émettre » furent aussi fabriqués par les Polonais de Londres pour leur propre usage.
JOHN BROWN porta son attention sur le type 2l (séries A) pour courtes distances. ce qui amena la création en Août 1942 du modèle Mark Il
(A-2), une « valise » bientôt transformée en A-2+ ‘des que les tubes américains Loctal furent disponibles. Le modèle A-2+. lancé en Octobre 1942sous la forme de trois boites métalliques. comportait un récepteur superhétérodyne avec réaction
équipé de trois lampes (7Q7-7H7-7H7)_ couvrant la bande des 3-9 MHL. alors que l’émetteur à une seule lampe utilisait une TTll ou une 7C5 loctal. foumissant une puissance d’environ cinq watts.Cet appareil pouvait être alimenté à partir du secteur ou à partir d‘une batterie de 6 volts grâce à une alimentation à vibreur. Ce modèle était fabriqué par les Ets MARCONl qui en l943, reconditionnèrent le A-2* de JOHN BROWN pour en faire le A Mark lll (A-3) plus compact, qui avait sensiblement la même taille que le Paraset / Mark
Vll de Whaddon, mais infiniment plus sophistiqué. Environ quatre mille de ces appareils A-3furent fabriqués sous forme d’un seul coffret mesurant 2l x 19 x 7.5 cm avec un poids total de quatre kg. soit moins de la moitié du poids de
l‘A-2.
Des informations complètes sur l’A-2 furent foumies a l‘Office of Strategic Service (O S S)américain dont la première « valise » était considérée comme peu satisfaisante. Certaines caractéristiques de l’A-2 furent copiées par l’O S S, ce qui conduisit à l’émetteur-récepteur S S T R-l. Leur radio clandestine standard.

Le modèle A-3 était un vrai « transceiver ». Étant donné que la 7H7 distillatrice pilotée par quartz de l’émetteur a deux étages fournissant cinq watts(lampe de puissance : 7C5) était aussi utilisée comme amplificatrice BF dans le récepteur super-hétérodyne couvrant 3,2-9 MHL avec une moyenne fréquence accordée sur 1215 kHz (7Q7-7H7-7l-l7-7H7 + 7H7 de l’émetteur). Des ponts redresseurs êliminaient la classique valve. Les appareils A-3 étaient tout à fait adaptés pour l’utilisation à des distance relativement courtes depuis le nord de la France.

En même temps, JOHN BROWN concevait et supervisait la production du modèle B-2. généralement considéré comme la radio-valise la plus fiable pour les grandes distances ou pour les opérations paramilitaires. Sept mille B-Z ont été utilises dans de nombreux pays. non seulement par les agents du S O E, mais aussi, par exemple. par les équipes « Jedburglt » qui furent parachuäées en France sous l’uniforme et par les « Phantoms »(Régiment de transmission du G Q GLIl y a toute
raison de penser que c‘est avec un B-2 qu’un officier transmission Phantom a maintenu la liaison entre les troupes d‘Arnhem et le Royaume-Uni pendant les tout premiers jours de l’engagement, alors que les appareils de l’armée régulière échouaient lamentablement. Pendant plusieurs jours. le seul lien radio avec les forces d’Arnhem passait par le B-2 des Phantom et un faisceau de la
B B C utilisant des appareils 76 / R 109 de l’armée

Le B-2 conservait de nombreuses caractéristiques du B-l de JOHN. mais il était équipé des tubes Loctal plus robustes et d‘un émetteur à deux étages (EL32-6L6 G) sortant 20 watts. avec un circuit de résonance très souple en pi.

Ma première expérience ‘du B-2 eut lieu à Nijmegen en Novembre 1944 lorsque je fus intégré pendant plusieurs semaines ä l’unité de sauvetage et d’évasion d’AIREY NEAVE (HUGH FRASER commandant en second à Nijntegen).L’opérateur radio. de l’IS-9 était équipé d’un B-2.d’un M C R-I et aussi d’un I9 de l’armée. Mon
équipement comprenait un Mark III de Whaddon, un récepteur H R 0 et une génératrice à‘ essence 0 N A N de. 150 watts. fiable mais loin d’être portable! Utiliser le 8-2 sur un réseau des Forces Spéciales qui pratiquait une veille permanente sur
une fréquence spéciale dans la bande des 5 MHz se révéla être une expérience intéressante! Mais cela’ me montra en 1944 que le S O E avait su créer et exploiter un système radio hautement efficace. Au même moment. l’IS-9 montait pénible,ment la malchanceuse opération Pegasus 2 pour ramener le maximum de survivants d’Arnbem,
opération malheureusement beaucoup moins efficace que Pegasus l montée à Eindhoven-. Mais cela est une autre histoire. °